C'est arrivé pas plus tard qu'hier : Les travaux terminés nous nous retrouvions comme il sied, autour de la table pour un repas entre apôtres d'une religion qui nous est chère, celle de l’avènement de l'Humanité.

Entre le rougail et le fromage, mon voisin de gauche s'étant légèrement reculé, j'ai accès aux échanges de trois ou quatre convives, l'un, le personnage principal de cette cène, m'aperçoit et me dit : " je leur disais: sur Canal+, j'ai vu le film de Serge Halimi « les nouveaux chiens de garde », quand tu nous en as parlé, je croyais que tu exagérais et bien finalement c'était tout à fait le film".
Étonnement de ma part, légère irritation amusée et tentative de justification : « je n'ai pas pour habitude de raconter n'importe quoi, il faut bien que la lecture serve à quelque chose... » Pas brillant.
Et finalement ravissement en découvrant qu'on venait de me faire cadeau d'un outil de compréhension plus fine de nos rapports, pourtant réputés sincères. On pourra sans peine élargir cette réflexion au « monde extérieur ».

Ce Frère a donc en quelque sorte « préféré » penser que j'exagérais ou que je me trompais lorsqu'il y a quelques mois, dans une planche sur la démocratie, j'évoquais le rôle de la connivence, plutôt que de prendre mes propos pour ce qu'ils étaient, c'est-à-dire des éléments avérés, puisés dans des livres et articles du Diplo, Médiapart etc etc.
Pourquoi cette attitude de la part de ce Frère avec lequel j'entretiens des rapport très chaleureux ? Nul méfiance, j'espère, de sa part, plutôt une tentative inconsciente d'échapper à la réalité vue de face. Comme si quelque chose en lui, lui imposait de penser que pareille duplicité de la part de dirigeants qu'il avait participé à élire ne pouvait pas s'envisager.

De là à m'accuser de propagande gauchiste, il n'y a qu'un pas qu'il est bien incapable de franchir. D'autres, je pense n'ont pas ces pudeurs...

Mais cette saynète intra-muros n'a pas beaucoup d'intérêt. Par contre il me paraît tout a fait plausible que ce mode de défense contre l'intrusion de la réalité soit largement partagé. Il me semble que ce fonctionnement psychique qui permet d'éloigner l'angoisse qui pourrait surgir de la révélation de la trahison de nos élites, et surtout de l'insupportable sentiment d'abandon qu'il en résulterait soit une stratégie largement utilisé. C'est rassurant de se dire que celui qui, au lieu de la Bonne Nouvelle, annonce la catastrophe, est un orfèvre de la galéjade.

Je pense que cette attitude explique en partie la méfiance largement ressentie à l'égard des lanceurs d'alerte mais aussi des efforts faits pour les baillonner. Rappelons-nous l'obstination, jusqu'au ridicule, du journaliste François Langlet, à douter (et le mot est faible) de la véracité des révélations de Médiapart au sujet de l'affaire Cahuzac !
Cela ne rend pas optimiste quant aux chances de réveiller l'opinion et cela participe probablement largement de ce que j'appelle « la Camisole Sociale ».

Évidemment, parler des vertus du «Nombre d'Or » ou disserter sur la « Flûte Enchantée », clamer haut et fort, pour la millième fois qu'il faut être vigilant face à l'extrême droite est moins fatigant car il n'est pas nécessaire de mobiliser beaucoup nos ressources psychiques.


Et après avoir applaudi à la Liberté, l'Égalité et la Fraternité, après le traditionnel « Vive la République », on peut, avec le sentiment du devoir accompli, se laisser glisser tranquillement vers le chardonnay bien frais ou le « communard »...





 













la République », on peut, avec le sentiment du devoir accompli, se laisser glisser tranquillement vers le chardonnay bien frais ou le « communard »...

ci pour modifier.
Taciturne
10/13/2013 07:41:07 pm

parfois nos pensées se rencontrent, et c'est le cas présentement. Hier (c'est trop concomitant pour être le pur hasard) je travaillais dans un de nos nombreux atelier, et ayant cité Shopenhauer, sur la façon qu'une "vérité" pouvait s'imposer (d'abord, elle est ridiculisée, puis combattuee, et enfin acceptée comme une évidence de tout temps. L'un d'entre nous saisi le sujet, et je pense que nous aurons bientôt à débattre sur une question du type : comment redonner à l'école son rôle de formateur de l'esprit, de l'esprit critique, de façon à faire de chacun un "veilleur" et éviter ainsi l'accaparement des décisions par
une minorité, au détriment de la majorité indifférente ? La forme est à revoir

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Yves
10/29/2013 03:22:55 am

Nous avons un nouvel exemple de l'acceptation de QUI détient LA VÉRITÉ.
Un Frère apporte en Loge une pierre à l'édifice, il est plus ou moins cru, jusqu'à ce que la même information s’étale sur le petit écran.
"C'est vrai, (puisque) je l'ai vu à la télé..."
Mais déjà tout petit : "C'est vrai, puisque la maîtresse l'a dit"
Alors, nous, Francs Maçons, avons nous aussi déjà perdu notre rationalité ? Sommes nous béats devant nos écrans (télé, internet) à avaler tout ce qu'on nous y balance ?
DANGER.
C'est comme cela que nous devenons serviles des médias.

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Taciturne
11/3/2013 12:17:31 am

salut Yves et LBD
Quelques anecdotes. Quand une information est donnée, et qu'elle contrarie le sens commun, elle est rejetée. Exemple : lors du déraillement de l'ICE allemand, certains, poussés par une conviction anti TGV énumérèrent les catastrophes que ne manquerait pas de
provoquer ce type de moyen de transport. Je suis intervenu en expliquant la différence de conception entre les boogies de l'iCE et ceux du TGV, rendant ce type d'accident plus improbable pour le TGV. Personne ne m'a cru, car je n'ai pas une tête à connaître le fonctionnement d'un boogie. Hé bien si, je l'avais étudié quand j'étais petit. Heureusement, un de mes interlocuteurs, après avoir lu un article, m'a donné raison quelques semaines après
Participant à un pot amical de fin d'année, la conversation dériva sur le rachat par des entrepreneurs étrangers de vignobles bourguignons et les participants de s'en émouvoir. Je leur indiquais que, dans certains pays, l'appellation "bio" est donnée à toute la production à partir du moment où une certaine part est réellement bio.
Quand j'annonçais que la Hollande avait privatisé sa SéCu, personne ne m'a cru. Combien ne me croient-ils pas encore aujourd'hui?

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