Cet article a été écrit il y environ 10 ans, malgré cela, il reste d'actualité. Il souhaite démontrer le rôle du chômage comme régulateur de l'inflation et comme régulateur social car il inspire une crainte qui est en mesure de paralyser les envies de révolte. C'est un paramètre clairement organisé par la société capitaliste pour assurer sa pérennité: la promesse du "plein emploi" est un leurre.
                               
    On constate que le NAIRU (Non Accelerating Inflation Rate of Unemployment qui correspond au taux de chômage dit « structurel ») prend des valeurs différentes selon les états : il est de 10% env en France et de 6.5% aux USA. En Grande Bretagne le taux de chômage est tombé officiellement encore beaucoup plus bas, vers 3%.
    A cela, rien d’étonnant car cette variable d’ajustement répond en fait à deux objectifs :
1° : Ce qui est avancé : un objectif économique, celui du maintien d’un faible taux d’inflation : la modification des taux d’intérêt par les banques centrales permet de faire évoluer en sens contraire les investissements et la consommation et dans le même sens le nombre de chômeurs ; (L’augmentation du taux du NAIRU, par la hausse des taux d’intérêt, entraîne une baisse de l’investissement, une hausse du chômage donc une baisse de la consommation, ce qui limite le risque inflationniste).
A noter que le risque inflationniste et le déficit budgétaire aux USA, ne sont pas considérés de manière aussi négative qu’en Europe car jusqu’à aujourd’hui profitant du fait que le dollar est monnaie de réserve et surtout de référence, ils se trouvent dans une position injustement favorable.
2° : Ce qui est le plus important : un objectif « psycho-sociologique » : Un fort taux de chômage, par l’insécurité et la baisse globale du niveau de vie qu’il entraîne, est favorable à la baisse des revendications des salariés, chacun luttant pour sa propre survie, au mépris de la solidarité. Cela explique la baisse d’influence des syndicats, en particulier dans le privé. C’est un élément important de la « camisole sociale » mais pas le seul : cette modification collective est grandement facilitée par un changement profond de l’organisation psychique.

    Compte tenu du double aspect, économique et psycho-social du phénomène de maintien dans l’inactivité d’un grand nombre de citoyens, je propose la création du sigle : T.I.F.E., c'est-à-dire le Taux d’Inactivité Favorable aux Employeurs.

Pourquoi des différences aussi sensibles entre les états ?
    Si le risque premier est celui de l’inflation, il est donc directement lié à la consommation. Mais si le niveau des salaires (directs et indirects c’est-à-dire les retombées de ce qu’on appelle « l’Etat providence », aides à la santé et à l’éducation par ex) est très bas, au point d’entraîner l’apparition de travailleurs pauvres, nombreux aux USA et en Grande Bretagne, le risque d’inflation devient très limité (pas d’envolée de la consommation et on peut, sans danger faire baisser le chômage, la limite étant sans doute le point où la main d’œuvre se raréfiant, le risque d’augmentation des salaires redeviendrait prépondérant. A noter que l’immigration est un moyen de régulation en faisant accepter de bas salaires aux nouveaux immigrants, sur lesquels les autochtones sont obligés de s’aligner, loi du marché oblige. Ce moyen a été abondamment utilisé aux USA au début du 20ème siècle. Actuellement la directive Bolkenstein va dans le même sens.
    Il apparaît donc que le TIFE est directement proportionnel au taux de bien-être d’une population. Ce bien être étant la somme des rémunérations directes et indirectes ainsi que du sentiment de sécurité lié à l’existence ou pas de logements sociaux, de couverture sociale, de traitement social du chômage, d’indemnités diverses - APL, ASSEDIC -, d’une retraite assurée, etc. Ce bien être peut être dû à la présence d’un service public fort (de part les services qu’il rend - santé par ex - et aussi, à la présence de salariés  « protégés » qui restent en capacité de revendiquer et qui tirent les salaires réels vers le haut).
    La confirmation nous viendrait-elle par l’absurde? : Dans les camps de travail (nazis, goulag, etc) le taux de chômage était de zéro. Pas d’inflation et pas de TIFE. Le niveau de bien-être, était lui-même voisin de zéro!
    Peut-on déduire de ce plein emploi que le bonheur y régnait ?

    Donc méfions-nous des choses simples en apparence comme le plein emploi, les taux de chômage bas etc, qui doivent être corrélés avec d’autres indicateurs tant objectifs que subjectifs.

    Ainsi, le projet de traité constitutionnel dans son article I-3-3 (Les objectifs de l’Union), qui dit « L’Union œuvre pour … …une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi… » est tout sauf convaincant !
    Pour que le TIFE soit efficace, il faut un l’accord de la population. Il faut qu’elle soit persuadée de l’impossibilité quasi métaphysique de vivre sans travailler. Pour cela les mauvais exemples doivent être supprimés.

Le mauvais exemple des chômeurs de longue durée
    De nombreux pays « développés » ont organisé une espèce de « chasse » aux chômeurs, en particulier des chômeurs de longue durée.
    La raison évoquée est d’ordre économique, en particulier, en France, la situation de l’ASSEDIC qui n’aurait plus les moyens de servir des indemnités (correctes) à tous les sans-emploi.
    Or, il n’y a pas d’emploi pour eux, (à leur niveau de qualification). Le but est donc de les contraindre à se vendre à bas prix, dans des emplois sous qualifiés (mais l’employeur saura « récupérer » cette qualification et la transformer en valeur ajoutée). (voir André Gorz)
    Mais le plus grand risque est le mauvais exemple donné au reste de la population : il est possible de vivre sans être soumis à un employeur On ne manque pas de souligner le comportement immoral de ces profiteurs qui vivent au frais de la princesse sans faire aucun effort de réinsertion

Et cette opinion a été admise par la plus grande partie de la population. On ne peut pas ne pas y voir un relent culturel tiré directement de l’ancien Testament (Genèse ) quand l’éternel punit Adam de s’être approché de l’arbre de la connaissance en lui lançant la malédiction « tu gagneras ton pain à la sueur de ton front » alors qu’Eve devra « enfanter dans la douleur ».

Le revenu minimum de citoyenneté :
    A de moins en moins de chance de voir le jour car il réduirait l’impact du TIFE et donnerait lui aussi un très mauvais exemple au reste de la population, en montrant qu’on peut vivre sans travailler. (nous nous étions heurté à l’aspect « moral » d’un salaire « immérité » et nous avions cherché les moyens d’y obvier, par le bénévolat en particulier)
Le redéploiement des aides diverses : selon Nikonoff, ce serait un moyen pour annuler le chômage.
Taxer les machines qui remplacent les travailleurs (et qui, jusqu’à maintenant ne profitent qu’aux employeurs) pour renflouer l’ASSEDIC
    Quand un employeur investit dans une machine qui remplace 10 salariés, il conserve le bénéfice (à l’investissement près), se débarrasse de problèmes sociaux mais précipite 10 familles dans l’angoisse, voire la misère. Ça n’est pas son problème ! 

    Il n’est pas étonnant que les chômeurs de longue durée soient pourchassés : ils donnent un très mauvais exemple à la population !!!

    Nous glorifions le travail : il est nécessaire d’éclaircir cette notion.

Taciturne
10/11/2013 09:20:12 pm

je me rappelle des joutes mémorables sur les bienfaits du libéralisme, ayant permis d'augmenter les revenus moyens de la population, alors que les nombres sont tombés : au dessus d'un certain seuil, ceux qui gagnent plus que ce seuil ont vu leur revenus augmenter, alors que ces revenus ont baissé pour tous les autres. Comment augmenter la moyenne des revenus, en faisant en sorte que les pauvres restent pauvres et que les riches s'enrichissent ? il suffit que les riches s'enrichissent plus vite que les pauvres s'appauvrissent.Une exception française : le taux d'épargne est très élevé. J'en avais tiré comme conclusion, que l'on allait avoir une période d'appauvrissement général, de fa§un à mobiliser cette épargne, et on nous ment sur la destination de cet argent, non pas pour des investissement productifs, mais pour des profits spéculatifs, permettant à la "haute" finance d'accaparer l'épargne, lentement accumulée durant une longue vie de labeur ...

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10/13/2013 07:17:03 am

Pas si Taciturne que ça!!!
Je ne peux qu'être d'accord, ce qui ne t'étonnera pas!
Je guette néanmoins du coin de l’œil le niveau de la dette des étudiants aux USA... Le jour où elle transformera en bulle qui éclatera conformément au métier de bulle, le dernier tsunami paraîtra un brise rafraîchissante!!!

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Taciturne
10/13/2013 08:04:04 pm

Pas d'inquiétude, mon cher LBD, cela va arriver bientot. pour une simple et bonne raison : les libéraux n'ont rien appris de l'affaire Goldmannn-Sachs 5 ans après, c'est reparti, avec probablement les memes. Qu'est-ce que la dette publique ? un simple racquet : la loi de 82 interdit aux états (européens) d'emprunter aux banques centrales. Ils doivent emprunter aux banques privées, à un taux exorbitant, qui elles mêmes empruntent aux banques centrales à un taux insignifiant. La dette est ce différentiel d'intérêt, c'est un metaimpot,, qui ne fait qu'alimenter la spéculation, et l'inflation, controlée elle même par l'appauvrissement des populations. Je crois être mur pour me coltiner un petit papier sur :" l'erreur libérale"

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