Nous ne sommes pas condamnés à enrichir éternellement Microsoft ou Apple. Au prix d'un très discret changement de nos habitudes, Linux, en particulier dans sa déclinaison "Ubuntu", offre, outre la gratuité, une infinité d'applications, librement partagées par leurs concepteurs. Ajoutons que les virus sont inconnus sous Linux, ce qui n'est pas un mince atout! Voici mon retour d'expérience:

"Humanité aux autres". Est-ce que ça vous dit quelque chose? Non? Bon et bien alors je vais traduire: «Ubuntu»! Ça n'est pas plus clair? Non? Ah oui, j'avais oublié de vous dire que j'allais vous traduire du français en langue bantoue! Vous ne comprenez pas le bantou? C'est bête, je vais donc le retraduire dans l'autre sens en l'interprétant un peu: Ça veut dire à peu près ceci:«je suis ce que je suis grâce à ce que nous sommes tous». Ça commence à devenir plus intéressant et même un petit peu maçonnique.

Et c'est là que vous vous dites «pour une fois il va nous lâcher les baskets avec l'économie politique et faire un peu dans le symbolique» Vous avez raison et tort à la fois.

Petit retour en arrière: Une des premières fois où j'ai rendu visite à notre F.°. Alain dans son labo de l'IUT du Creusot, il m'avait fait la démonstration d'un système de réseau informatique fonctionnant sous UNIX. C'était impressionnant mais un peu austère en comparaison du Windows 3.11 que j'utilisais à l'époque et qui n'était pourtant pas pas un monument de fantaisie.
Et puis quelques années plus tard j'ai entendu parler de Linux, système d'exploitation inspiré d'UNIX et développé pour s'amuser, par un certain Linus Torvalds: il le dit d'ailleurs dans son premier message à ses amis: «I'm doing a (free) operating system, just a hobby, not big and professionnal...» (Pour m'amuser, je suis en train de bricoler un système d'exploitation, qui sera ni très gros, ni professionnel et qui sera libre de droits). Retenons le qualificatif essentiel «free», «libre» à l'origine du projet.
Quelques années plus tard, un véritable mouvement était né autour de ce qu'on a nommé « les logiciels libres », dans le sillage du système Linux qui était sorti de la phase «bricolage».
Contrairement aux systèmes d'exploitation et des applications Apple ou Personnal Computer d'IBM (les populaires «PC»), dont les codes source sont protégés et payants, le système des logiciels libres avaient tout pour nous plaire et Alain détenait déjà de la documentation dont j'ai bénéficié. A vrai dire, j'ai été découragé par le côté ésotérique de la chose qui manifestement paraissait réservée à une élite... ce qui contrevenait un peu à la philosophie d'ouverture proclamée. Et puis, la quasi obligation de participer au développement des systèmes si elle était enthousiasmante dans le principe me renvoyait à mon incompétence, ce qui fait qu'une mise en sommeil s'en est suivie.

Mais comme je n'aime pas trop rester sur un échec, quelque années plus tard, j'ai fait l'acquisition pour quelques centaines de francs, d'une distribution commerciale comportant le système d'exploitation et un nombre impressionnant d'applications dans une infinité de domaines. C'était la distribution SuSe, produite par une firme allemande plus tout à fait gratuite mais sans droit de propriété intellectuelle.
L'installation s'étant plutôt bien déroulée, j'ai commencé à l'utiliser, frappé d'emblée par l'apparence graphique très agréable et soutenant largement la comparaison avec Windows XP. Seul réel problème, il était difficile de faire évoluer ce système et en particulier l'installation de nouveaux logiciels était carrément éprouvante et décourageante. Donc au bout d'un mois ou deux, j'étais redevenu un utilisateur contraint de microsoft, ce qui ne me plaisait pas plus que ça...
Deux ans plus tard, je retrouve par hasard la boîte de cds et je me dis que c'était vraiment trop bête d'abandonner la partie et me revoilà en train de réinstaller tout le système qui contrairement au pinard ne s'était pas amélioré en vieillissant... Malgré tout je m'accroche, je progresse un peu à tel point que toute mon activité sur internet et la bureautique passent par Linux. Je télécharge plusieurs distributions insatisfaisantes jusqu'au jour où, ayant tapé dans Google «distribution Linux gratuite», une réponse me saute aux yeux: «UBUNTU». Le téléchargement est libre et gratuit et en cas d'insuccès du téléchargement, on peut demander en Grande Bretagne, l'envoi d'un cd d'installation gratuit et franco de port!

Arrivé là, ça mérite quand même deux mots d'explication: Selon Wikipedia, le nom «Ubuntu» provient donc d'un ancien mot bantou (langue d'Afrique), quelqu'un d'«ubuntu» désignant une personne sachant que ce qu'elle est, est intimement lié à ce que sont les autres donc il est parfois traduit en l'appliquant au «je» et ça devient: «Je suis ce que je suis grâce à ce que nous sommes tous. C'est un concept fondamental de la philosophie de la réconciliation développée par Desmond Tutu avec l'abolition de l'apartheid. L'utilisation en informatique est une récupération de ce sens philosophique et politique tel qu'il se trouve expliqué dans le travail de la Commission de la vérité et de la réconciliation...» C'est une philosophie du partage, particulièrement dans ce cas, du partage des connaissances.

Le projet a été initié en 2004 par le milliardaire Sud Africain Mark Shuttleworth ancien développeur de Debian (qui est une autre version de Linux) et sponsorisé par sa société «Canonical» spécialement créée pour Ubuntu. Son but est d'offrir une alternative à la position totalitaire de Microsoft et dans une moindre mesure d'Apple qui lui, est en train de rejoindre le concept Linux. Ce projet se situe clairement en dehors du marché.
En dehors de la philosophie qu'il porte, ce système complet et évolutif possède des qualités intrinsèques qui l'ont déjà fait choisir pour les ordinateurs de l'Assemblée Nationale. La gendarmerie est en train de s'en équiper, après avoir opté depuis plusieurs années pour la suite bureautique libre «Open Office». Il équipe les 400 serveurs de Wikipedia. Dell l'installe sur ses ordinateur comme alternative à Microsoft Vista.

En ce qui me concerne, j'ai tout simplement téléchargé la dernière version, la 8.10 et après quelques tâtonnements dus à mon manque d'expérience du système, j'ai installé Ubuntu sur un vieil ordinateur et j'ai découvert un outil fabuleux, très polyvalent, qui couvre l'ensemble de mes besoins. L'accès à internet est particulièrement facile grâce au navigateur Firefox de Mozilla qui est également «open-source» . La messagerie «Evolution» est supérieure à tout ce que je connais. Des logiciels de traitement du son et d'images sont intégrés comme l'est l'échange de fichiers Peer to Peer. La présentation graphique est très flatteuse, bref il a tout pour plaire! Il existe une variante «Ubuntu Studio» spécialisée dans le traitement du son, des images et de la vidéo
Autour d'Ubuntu, s'est constituée une communauté très ouverte, très active, très solidaire, très partageuse, qui fait évoluer le système et chaque utilisateur est invité à participer à son niveau, ne serait ce qu'en signalant des défauts.

Je sais, je suis incorrigible, je vais encore vous parler d'économie: Linux en général et Ubuntu en particulier, se positionnent comme un contre-exemple sinon parfait, du moins très intéressant du crédo ultra-libéral qui exige que toute chose se paye, en passant par le marché (on précisera pour faire bien: «marché libre et non faussé»).
A première vue il s'inspirerait plutôt de la philosophie du don et aurait quelque-chose à voir avec la philosophie développée par Marcel Mauss. Mais à mon avis ce n'est pas la meilleure piste. C'est un exemple très fort de la possibilité des échanges non marchands qui mériterait d'être analysé car il n'est pas dénué d'ambiguïté: La société Canonical créée par Mark Shuttleworth emploie 200 personnes. C'est une société qui a donc l'obligation d'avoir un chiffre d'affaire lui permettant de couvrir au moins ses frais. Elle est soutenue par la «Shuttleworth Foundation» qui contribue à son fonctionnement.
Mark Shuttleworth est un personnage intéressant, complexe et énigmatique: en dehors de son engagement en faveur des logiciels libres, il s'investit dans des programmes d'éducation et de lutte contre le sida en Afrique du Sud mais il a aussi été capable de débourser 20 M$ pour participer personnellement à une mission spatiale. Alors qui est-il réellement? Est-ce quelqu'un qui a résolu l'équation d'un capitalisme humaniste? Par certains côtés, la gestion d'Ubuntu et plus globalement des logiciels libres évoquerait plutôt un application concrète et spontanée d'un communisme idéal: c'est un bien commun, créé par tous selon les capacités de chacun et dont chacun use selon ses besoins. A cet égard, Mark Shutlleworth adopterait donc un comportement de militant.

Au delà du «cas» Ubuntu, on pourrait s'interroger sur la possibilité d'organiser plus globalement les échanges en s'en inspirant. On pourrait rêver et imaginer par ex la recherche médicale et pharmaceutique organisées sur ce modèle qui est en train de prouver sa validité et son efficacité... en voilà encore une utopie qu'elle est belle!

Je termine par un anecdote: Recherchant sur le site de la communauté françaises des utilisateurs d'Ubuntu le moyen de relier mon baladeur à mon ordinateur, j'ai trouvé la phrase suivante: «Sous les dernières versions d' Ubuntu, le programme Rhythmbox permet d'utiliser son iPod comme on aurait pu le faire avant d'avoir vu la lumière». Ces derniers mots sont-ils venus là par hasard? On peut au moins en douter.